Exposé de Daniel Lautié Fin du centenaire

 1- Introduction                                                         

Bonjour, je me présente, je suis le mari de la petite fille de Dominique Rickert et
je vais essayer  de vous raconter le périlleux parcours des cahiers de Dominique Richert, leur découverte et leur devenir.
Dominique Richert est l’auteur de 8 cahiers qui racontent sa guerre entre le mois d’aout 1914 à janvier 1919 dans l’armée Allemande.
Il est né à Saint-Ulrich en  Alsace 1893. Il effectue son service militaire quand la guerre éclate en août 1914.

 Notre anti héros a combattu sur les fronts de l'ouest et de l'Est, Alsace, Lorraine, Nord de la France, Notre Dame de Lorrette, Somme, Carpates, Pologne, Front de la Russie du Nord., Occupation de la Lituanie et de la Lettonie.                                                           

De retour sur le front de l'Ouest, il a pris part à la dernière offensive allemande, dans le secteur de Villers-Bretonneux

A la fin de la guerre, , il ne reste plus que 5 survivants  sur les 280 soldats de sa compagnie .

Il écrit ses mémoires sur de simples cahiers d’écolier « Le Calligraphe », ils racontent, l'absurde massacre,  la haine à l'encontre des gradés et des responsables de la tuerie. 

Dominique RICHERT ne voyait pas d'ennemis mais des pauvres diables, de malheureux pères de famille qui portent un autre uniforme que lui.

Rares sont les mots hachurés ou barrés,

Hélas, la deuxième guerre mondiale ne l’a pas oublié non plus.
En 1942 Dominique RICHERT refuse  que ses deux fils subissent un sort identique au sien. Il les incite  à fuir la Wehrmacht.
En représailles, il fut déporté avec son épouse en Allemagne . Ses deux fils furent décorés de la croix de guerre pour leur implication dans l’armée d’armistice du Gers et leurs faits de Résistance. On n’a aucune information du devenir des cahiers dans cette période.

3 La première découverte

La première découverte des cahiers a été faite  à l’occasion d’un rangement. Ulrich son fils les découvre dans une caisse au grenier en 1958. ( classique)

L'un d'eux avait été grignoté aux trois quarts par les souris.
Après beaucoup d'insistance, Ulrich demande à Dominique Richert de réécrire quelques pages, le cahier 6 b complète le 6 grignoté.

C’est en 1960 que Dominique Richert   confie ses mémoires à Jean Claude Faffa, jeune docteur en économie, ami de la famille.

Ce fut le premier qui  reconnut la valeur du Manuscrit et qui fut convaincu que l'odyssée de Dominique devait être lue.  Jean Claude Faffa m’écrit cet email je le cite.

 « Et lorsque un jour il m'a sorti ses cahiers je lui dis, après avoir déchiffré laborieusement leur petite écriture gothique qu'il fallait absolument les publier. Après une année passée à retranscrire ces textes, j'ai contacté de nombreux éditeurs et auteurs allemands. Et finalement  Heinrich Böll,  prix Nobel de littérature,  transmit le tapuscrit au centre d'Archives Militaires de Munich,  remis à leur tour, aux Archives  Militaires de Fribourg où, vingt ans plus tard deux jeunes étudiants allemands en doctorat les retrouveront et les feront publier, non sans avoir constaté auparavant la concordance remarquable des citations, de dates, lieux et noms. »

« En fait, j’avais envoyé le tapuscrit à Heinrich Böll pour qu’il m’aide  à trouver un éditeur. Je l’avais choisi parce que j’avais lu et trouvé intéressant son petit livre “ Wanderer kommst du nach Spa…  " ».   fin de citation.

Le manuscrit n'ayant pas  trouvé d'éditeur, Dominique RICHERT est très déçu de cette situation  et écrit à Jean Claude Faffa,   
"Pour moi, la rédaction de ces cahiers a été seulement un passe-temps. D’ailleurs, je n’avais absolument aucun document "

Dominique Richert  décède en 1977 sans avoir appris que son livre allait être édité. 

Quelques jours après  son enterrement, les cahiers sont jetés dans un sac avec d’autre affaires  pour être brulés. Ils sont retirés du feu de justesse par Marcel, un des fils de Dominique.

4  La deuxième découverte

10 ans plus tard, les jeunes Berlinois Berndt Ulrich et Angelika Tramitz qui découvrirent  en 1987 aux Archives de Fribourg  le tapuscrit de Jean Claude Faffa tombèrent sur une impasse : l’auteur était inconnu.

Ceux sont les indications portées dans le manuscrit qui ont permis, comme pour une enquête policière, de retrouver la trace de la famille Richert à St Ulrich.

5 S’en suivit  plusieurs éditions

En 1989 le livre sort en Allemagne, sous le titre « Beste Gelegenheit zum Sterben » « La meilleure occasion de mourir » avec des critiques littéraires élogieuses..  DIE ZEIT,  lui a consacré une page entière

En 1994 il est édité en français sous le titre “Les cahiers d’un survivant.”

traduit par mon beau frère Marc Schublin  et réédité en 2016.

En 2012 il est traduit en Anglais par David Carrick Sutherland 

« The kaiser's reluctant conscript «  version papier et ebook.

« L'appelé réticent de l'empereur. »

6 Le devenir

Quant au devenir des cahiers originaux, le 19 juillet de cette année, la famille les a remis à la mairie de Dannemarie  pour qu’ils soient mis à la disposition du public  dans le futur Mémorial de la Haute Alsace. Ce mémorial  sera consacré à la période  1871 1918 et sera inauguré en  novembre 2019.
Une salle entière sera dédiée à Dominique Richert. Les cahiers  seront présentés sous une vitrine blindée et climatisée. 

Jean Claude Faffa m’écrit à ce sujet:

« Penser que les Cahiers de Dominique vont maintenant trôner dans un musée derrière une vitrine blindée comme la Joconde: Dominique n'en reviendrait pas !!!! »  fin de citation.

Les carnets de Louis Barthas y tiendront également une bonne place.

7 En  conclusion

La famille RICHERT vous remercie, monsieur Cazals,  pour avoir fait connaître  ce témoignage, notamment par un remarquable exposé présenté au colloque de Montpellier sur une  étude comparative entre l'œuvre du soldat français  Louis Barthas et  l’œuvre du soldat allemand Dominique Richert.

 Permettez-moi de vous citer :" « En lisant le premier tirage en français du livre de Richert, je m’étais souvent demandé, devant certains passages, si je ne me trouvais pas en train de relire Barthas »

L'histoire de ces cahiers est celle des manuscrits qui sont arrivés jusqu'à nous.

Ils ont eu la chance de rencontrer Jean Claude Faffa en France et deux jeunes Berlinois, journaliste et historien Berndt Ulrich et Angela Tramitz  en Allemagne.

Si l’auteur a échappé à la mort, les cahiers eux, ont échappé, aux Nazis, aux souris, au feu,  à l’anonymat mais surtout  à ma  « belle-mère » : Au décès de mon beau père j’ai mis à l’abri les cahiers car je savais que ma belle-mère  voulait se débarrasser du « brouillon » «puisque le livre avait été édité !».

Ils sont enfin en sécurité.

L’écriture de ces cahiers restera un mystère. Comment  Dominique qui avait quitté l'école à 13 ans, avait pu raconter  dans un parfait allemand ces 5 années traumatisantes ?

La question méritait d'être posée tant les qualités littéraires du texte sont fortes et atypiques d’après Agelika Tramitz.

Je terminerai par une citation de Dominique Richert « Courage, héroïsme? Je doutais de leur existence  car dans le feu de l’action, je n’avais vu, inscrits sur chaque visage, que la peur, l’angoisse et le désespoir. Quant au courage, à la vaillance et autres chose du même genre, il n’y en a pas : ce sont la discipline et la contrainte qui pousse le soldat en avant, vers la mort. »  

8 Mon exposé est terminé.

Pour tout savoir sur Dominique RICHERT vous pouvez vous référez à mon site ; http://1418-survivre.net

Je peux vous fournir la complète bibliographie.
Vous présenter le tapuscrit original de Jean Claude Faffa ,
les différentes éditions ,  1 album réalisé  avec le  cahier numero 1 de RICHERT.
La copie de mon intervention   sur le site http://1418-survivre.net
Je vous remercie de votre attention.
Et je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.