Les originaux des cahiers du soldat  Richert exposés V

L'article de la DNA sous forme de video 

https://c.dna.fr/societe/2018/08/14/les-originaux-des-cahiers-du-soldat-richert-exposes

14 08 2018

Région

HISTOIRE Guerre 1914-1918

Les originaux des cahiers du soldat

Richert exposés

Julien STEINHAUSER


 

 

 

 

 

 

Les précieux cahiers de Dominik Richert seront exposés dans le futur Mémorial de la Grande Guerre en Haute-Alsace à Dannemarie. PHOTO DNA – Julien STEINHAUSER

En 1919 et 1920, sur des cahiers d’écoliers, Dominik Richert, paysan du Sundgau, a raconté l’horreur de la guerre 14-18. Sa famille a remis les originaux à la commune de Dannemarie. Ils seront exposés dans le futur Mémorial de la Grande Guerre.

Dominik Richert naît à Saint-Ulrich en 1893. Le Sundgau, comme le reste de l’Alsace, se trouve alors sous souveraineté allemande. En 1913, ce paysan effectue son service militaire. Il est sous les drapeaux allemands quand la guerre éclate en août 1914. Il vivra quatre années d’horreur : la bataille de Mulhouse en août 1914 ; le front de l’est de 1915 à 1917 où il est grièvement blessé ; la bataille de la Somme en 1918. Dominik Richert a vu les premiers combats de chars, les blessés agonisants dans le froid, l’armistice avec les Russes. La grippe espagnole aussi. Il déserte fin juillet 1918 et se rend aux troupes françaises. Il retrouve son village en janvier 1919.

Cette année-là puis la suivante, en 1920, il raconte l’horreur dans neuf petits cahiers d’écoliers, à la plume, sans la moindre rature, en Sütterlinschrift, écriture gothique allemande. Le paysan écrit alors un texte jugé aujourd’hui par les universitaires spécialistes de la Première Guerre mondiale comme d’une précision historique et d’une qualité littéraire équivalentes aux récits de Roland Dorgelès ou d’Erich Maria Remarque.

Mais en 1919, Dominik Richert n’en a pas la moindre conscience. Quelque temps avant sa mort en 1977, il confiait par écrit « avoir fait ça pour passer le temps ».

En 1967, Dominik Richert montre ses cahiers à un habitant de Saint-Ulrich, JeanClaude Faffa. Ce lecteur en sort bouleversé. Jean-Claude Faffa entreprend de retranscrire en allemand dactylographié le texte. Il l’adresse à Heinrich Böll. Le prix Nobel de littérature ressent lui aussi une intense émotion. Les deux hommes se mettent en quête d’un éditeur. Sans succès. En Allemagne, le nazisme et la Deuxième Guerre mondiale ont occulté le souvenir du conflit 14-18. La période intéresse peu.

La transcription du texte finit aux archives de l’université de Freiburg-im-Breisgau. Elle y dort une bonne vingtaine d’années jusqu’à ce que deux chercheurs allemands, Bernd Ulrich et Angelica Tramitz, l’exhument. Cette fois, en 1989, l’éditeur Knesebeck et Schüler de Münich publie le texte sous le titre Beste Gelegenheit zum Sterben. Suit une version en français par Marc Schublin, en 1994, aux éditions de la Nuée Bleue-DNA, Les Cahiers d’un survivant. Une traduction anglaise sort en 2012.

Le récit de Dominik Richert a aussi fait l’objet d’un film en allemand réalisé en 1992. Par ailleurs un universitaire toulousain, Rémi Cazals, a effectué un travail de comparaison entre le récit de Dominik Richert et celui, écrit côté français, par le tonnelier Louis Barthas.

• Visibles à partir de fin 2019

Tous deux sont animés du même pacifisme, de la même incompréhension face à l’innommable. « Tous les deux sont des gens de leur village, des gens de la terre. Les notions même de patrie et de nation leur sont inconcevables », indique aujourd’hui Daniel Lauthié, un membre de la famille de Dominik Richert. Une famille qui conservait jusqu’à présent les neuf cahiers originaux et qui a décidé maintenant de les montrer au grand public.

Jeudi soir, les descendants de Dominik Richert ont remis à la mairie de Dannemarie les précieux documents. Ils seront exposés dans une vitrine sécurisée du futur Mémorial de la Grande Guerre en Haute-Alsace qui devrait voir le jour dans une ancienne usine désaffectée. La première pierre des travaux de ce mémorial sera posée le 11 novembre prochain. La commune espère ouvrir ce musée le

11 novembre 2019. Il abritera des collections d’objets militaires, d’uniformes et une tranchée reconstituée. « L’accent sera mis sur l’histoire de l’Alsace ballottée entre France et Allemagne. Beaucoup ignorent cette particularité », indique le maire de Dannemarie, Paul Mumbach, qui a qualifié « d’exceptionnel » le fait de pouvoir enfin montrer au public l’original du plaidoyer pacifiste du paysan-soldat Richert.