https://www.abcmzwei.eu/la-pedagogie-du-bilinguisme-dans-les-ecoles-abcm-zweisprachigkeit/

Bilinguisme : priorité aux tout petits et à la transmission

La stratégie de la Collectivité européenne d’Alsace en faveur du bilinguisme est déjà prête. Elle vise en priorité les plus jeunes, via notamment la formation des acteurs éducatifs de la petite enfance, et prévoit la création d’un Office public de la langue régionale d’Alsace.

Par Franck BUCHY – 20 avr. 2021 à 06:00 – Temps de lecture : 3 min

La Collectivité européenne d’Alsace (CEA) ne s’est pas perdue en bavardages pour se pencher sur une des rares compétences nouvelles qu’elle a acquise. La commission permanente a approuvé ce 19 avril les grands principes de sa stratégie en faveur du bilinguisme ; quinze semaines à peine après sa création et quelques jours après l’adoption de la loi du député Paul Molac sur la protection patrimoniale et la promotion des langues régionales.

La stratégie repose sur un constat contrasté. La convention sur la politique régionale plurilingue 2015-2030 et l’engagement des collectivités en matière de bilinguisme ont « renforcé l’offre d’apprentissage dans le cursus scolaire alors que l’avantage naturel de l’Alsace, qui réside dans sa langue régionale, a poursuivi son inexorable décrue faute de transmission familiale », observe-t-on à la CEA. Les « faiblesses demeurent » dans « la pratique du dialecte », dans « un vivier d’enseignants insuffisant » et dans « des mobilités dans le Rhin supérieur et des immersions insuffisantes ».

Élargir l’offre hors du temps scolaire

Présidée par Rémi Bertrand, la commission de l’Europe, des terres transfrontalières rhénanes et du bilinguisme est au cœur de la future stratégie. « En reconnaissant l’importance de l’enseignement immersif, la loi Molac ouvre de nouvelles perspectives dans les dispositifs proposés en lien avec l’Éducation nationale », note le vice-président de la CEA. S’il « reste vigilant » sur la concrétisation de ce texte, Rémi Bertrand relève que « la CEA dispose d’un atout exceptionnel pour faire de son territoire, un territoire pilote en Europe en s’appuyant sur ses racines et sa culture pour se projeter dans l’avenir aux côtés de ses partenaires allemands et suisses ».

La nouvelle stratégie vise à « accroître le nombre de locuteurs précoces en renforçant les pratiques, pas uniquement scolaires, tout en s’appuyant sur les bénéfices d’un bassin de vie transfrontalier ». Cet objectif implique d’élargir l’offre hors du temps scolaire, « aux autres temps de vie », de la petite enfance aux adultes.

Le public prioritaire sera donc « les plus jeunes ». En lien avec les agglomérations, les communes, les intercommunalités et l’Eurométropole de Strasbourg, la CEA s’intéressera à l’accueil de la petite enfance, à travers notamment l’appui de professeurs des écoles dialectophones volontaires. Cette ambition nécessitera de former les acteurs de la petite enfance et de labelliser les structures et les assistances maternelles volontaires.

Un environnement plurilingue de la culture au tourisme

La CEA envisage ensuite de créer un Office public de la langue régionale d’Alsace. Ce groupement d’intérêt public doit regrouper l’État, la Région et la CEA, ainsi que des partenaires communaux, le monde associatif et les Eurodistricts. Sa mission consistera à « créer sur le territoire alsacien une dynamique d’apprentissage, d’usage et de transmission de la langue ».

La CEA ambitionne aussi de « renforcer la visibilité de la langue régionale dans l’espace public » et de « créer un environnement plurilingue » dans quatre domaines : la culture, l’édition, la création artistique et les loisirs ; la signalétique, la toponymie et les documents publics ; les médias ; le tourisme.

Enfin, la collectivité alsacienne entend inscrire sa politique en faveur du bilinguisme dans une dimension transfrontalière. Pour ce faire, elle compte favoriser et intensifier les échanges scolaires dans l’espace rhénan, et créer un site dédié aux échanges scolaires transfrontaliers individuels et collectifs.

La récente loi Molac sur les langues régionales a été saluée comme une avancée majeure, notamment parce qu’elle soutient l’enseignement immersif qui pourrait être développé dans les écoles. Mais en alsacien ou en allemand ?

Par Textes : Catherine Chenciner – 17 avr. 2021 à 18:02 | mis à jour le 19 avr. 2021 à 06:54 – Temps de lecture : 4 min

La récente loi Molac sur les langues régionales a été saluée comme une avancée majeure par tous les promoteurs du bilinguisme ( notre édition du 9 avril ). D’autant, fait remarquer Yves Rudio, enseignant en allemand et membre du SE-Unsa 67, que la précédente loi Deixonne sur le sujet, il y a 70 ans, « n’a jamais concerné l’Alsace ». Quant à ce qu’il faut réellement en attendre, Pascale Erhart, sociolinguiste et directrice du département de dialectologie alsacienne et mosellane à l’Université de Strasbourg, est dubitative. « Le cadre national permet déjà un enseignement bilingue français-langue régionale. Le seul changement est la possibilité d’étendre le système immersif aux écoles publiques. »

De quoi conforter la pédagogie de l’association ABCM Zweisprachigkeit, un temps remise en cause par le rectorat en 2017 (lire ci-dessous), et lui assurer de toucher un « forfait scolaire » de la part des communes dont elle accueille les enfants. Dans l’attente des décrets d’application, Yves Rudio s’interroge aussi sur le fait que « pour certains députés alsaciens, l’immersion pourrait être seulement partielle »…

Langue allemande et variantes dialectales

Mais plus largement, poursuit Pascale Erhart, la question est de savoir de quelle langue régionale on parle. « Il y a une ambiguïté. Dans l’acception courante c’est l’alsacien, sauf qu’il n’apparaît dans aucun texte réglementaire et qu’il n’a jamais vraiment eu sa place à l’école. En Alsace, il y a une double hégémonie des langues standards, du français et de l’allemand. » Ainsi, selon la convention cadre 2015-2030, portant sur la politique régionale plurilingue, signée par l’État et les collectivités locales, par langue régionale « il faut entendre la langue allemande dans sa forme standard et dans ses variantes dialectales (alémanique et francique) ».

Une définition qui remonte aux circulaires du recteur d’académie Pierre Deyon en 1982 et 1985. « Lorsque le ministre Alain Savary a ouvert les écoles aux langues et cultures régionales, l’Alsace était la seule région à déjà proposer un enseignement de langue vivante en primaire. Le recteur Deyon en a profité pour faire entrer dans le cadre ce qui était exceptionnel », précise l’universitaire. « Il a eu le mérite de définir pour la première fois la langue régionale dans les textes officiels », retrace Yves Rudio. « Cela a permis de développer cet enseignement, mais en enterrant momentanément les dialectes, c’est le premier raté. Le deuxième, c’est qu’il n’a jamais été convaincu par l’enseignement immersif. »

L’alsacien, à l’oral ou à l’écrit ?

L’ancien inspecteur d’allemand Daniel Morgen ne l’a pas été davantage. « Il est important de préserver l’apprentissage de la lecture en français, tous les enfants n’ont pas d’aide à la maison », estime-t-il. Alors qu’il était responsable de la Mission académique des langues régionales auprès du recteur Jean-Paul de Gaudemar, il s’est, en revanche, consacré au développement de l’enseignement bilingue français-allemand à partir de 1992. Initié par ABCM un an plus tôt, alors que le principe existait déjà ailleurs en France, il concerne aujourd’hui près d’un écolier alsacien sur cinq.

Pour ce qui est de l’alsacien, « l’hypothèse de son enseignement dans les classes bilingues est évoquée dans les circulaires de 91-94 », souligne-t-il. « Peut-être n’avons-nous pas été assez volontaristes, mais le contexte était très houleux. Il y avait un mot d’ordre syndical contre le bilinguisme, nous étions minoritaires ». Les écoles qui avaient été sondées avaient majoritairement fait le choix de l’allemand, se souvient-il, « frappé de constater » que « les enseignants n’osaient pas se lancer en alsacien. On peut le comprendre, il n’y a pas de standard, c’est essentiellement de l’oral ».

 Ce complexe qu’on porte en nous »

Une question de fond qui se pose toujours. Ainsi Bénédicte Keck, chargée de mission à l’Olca (Office pour la langue et les cultures d’Alsace et de Moselle), est « persuadée qu’on peut écrire l’alsacien avec différentes variantes, du moment que c’est lisible et cohérent, les enfants s’adaptent ». Comme d’autres, elle en revient à « ce complexe qu’on porte en nous, l’alsacien n’ayant pas du tout été valorisé pendant des décennies ».

« On en arrive à une situation où les enfants apprennent l’allemand comme une langue étrangère, parce que le lien avec le dialecte n’a jamais été explicité à des fins pédagogiques. Et cela n’a pas contribué à sauver l’alsacien. Idéalement, il faudrait que les deux fonctionnent ensemble. » En cela, les promoteurs du bilinguisme s’accordent, « le cadre existe, il reste à en faire quelque chose », comme le résume Bénédicte Keck, tant du côté des collectivités locales que des enseignants, auxquels il faudrait proposer des outils pédagogiques et des formations.

L’immersif d’ABCM conforté

À l’initiative des premières classes bilingues en Alsace, l’association ABCM est la seule à pratiquer l’enseignement immersif depuis 2017. À l’époque, l’académie de Strasbourg le lui avait reproché.

L’association ABCM Zweisprachigkeit, créée par Patrick Kleinclaus et Richard Weiss avec d’autres parents d’élèves, a toujours été un aiguillon en Alsace. En septembre 1991, il y a bientôt 30 ans, elle a lancé les premières classes bilingues, avant d’expérimenter l’immersion complète en 2017, soit un enseignement en langue régionale destiné à « compenser » la langue dominante, tel que d’autres écoles privées le pratiquent de longue date, notamment en Bretagne.

Une « aisance éloquente »

En 1991, ABCM ne pensait pas qu’il y ait « forcément une adhésion pour l’immersif, politiquement et socialement », explique sa présidente Karine Sarbacher. Et « à cette époque, l’alsacien était encore présent dans les familles ». Mais « il y a 15 ou 20 ans, poursuit-elle, nous nous sommes rendu compte que cela ne suffisait plus aux enfants pour atteindre une parité de compétences linguistiques et nous avons préparé le passage à l’immersion. Notre directrice pédagogique a revu les programmes, nos enseignants ont été formés, cela a pris des années ». 

En commençant par introduire l’alsacien dans ses maternelles « à hauteur d’une ou deux demi-journées par semaine, il y a une dizaine d’années, ABCM a déjà pu constater « des bienfaits » sur l’apprentissage de l’allemand au CP. Puis, les premières classes en immersion complète, à 50 % en alsacien et à 50 % en allemand, ont été progressivement ouvertes à Haguenau, Ingersheim et Mulhouse. Les maternelles de Muespach, Gerstheim, Lutterbach ont suivi, soit actuellement 12 classes de 22 à 25 enfants dans la moitié du réseau ABCM, en attendant celle de Schweighouse-sur-Moder à la rentrée. Au CP, les cours immersifs sont à 100 % en allemand standard ; le français est enseigné à partir du CE1, avec à nouveau de l’alsacien à plus petites doses.

« La base de la lecture et de l’écriture, c’est le “Hochdeutsch”, ce serait plus difficile avec les variantes en alsacien », argumente Karine Sarbacher. « On part du principe que les deux sont complémentaires. Les enfants font rapidement des liens, retrouvent des mots. Ils s’expriment vraiment et leur aisance est éloquente, tant dans la compréhension que dans la production. »

En 2017, la rectrice de l’académie de Strasbourg, Sophie Béjean, avait reproché à ABCM un manque de respect des « règles et programmes de l’enseignement public », avant d’accorder une « expérimentation » sur cinq ans. Raison pour laquelle, l’association s’était engagée dans un Pilé (Projet immersif en langue régionale et évaluation) consistant à faire suivre une cohorte d’écoliers et leurs enseignants par trois universités (Strasbourg, Fribourg et Genève). Une validation scientifique à laquelle l’association tient toujours, même si la loi Molac vient de la conforter dans son choix de l’enseignement immersif.

Une « réelle demande » d’alsacien à l’Olca

Pour l’Office pour la langue et les cultures d’Alsace et de Moselle, qui dispose de nombreuses ressources éducatives et ludiques, il n’est pas trop tard pour sauver l’alsacien.

Selon une étude de l’Olca (Office pour la langue et les cultures d’Alsace et de Moselle), 43 % de la population alsacienne parlait encore le dialecte en 2012, dont les trois quarts avaient plus de 60 ans, ainsi que 3 % à 4 % des 3-10 ans et 12 % des 18-25 ans. Pour Bénédicte Keck, chargée de mission, « on peut sauver la langue régionale, on l’a vu dans d’autres régions comme la Bretagne, où la situation était bien plus catastrophique ». D’autant qu’elle constate une « réelle demande d’alsacien » depuis dix ans. « On est à flux tendu ! », détaille-t-elle. « On nous sollicite pour des traductions de théâtre, on forme des animateurs de périscolaires, on intervient auprès des structures petite enfance, on propose des malles d’animations, des cahiers ludiques, on a tout un portail d’activités sur internet  »

Désormais, la loi Molac, dont le vote à la quasi-unanimité était à ses yeux « inespéré », lui paraît « une très bonne transition pour ne plus se contenter du seul allemand » à l’école. « Des chercheurs ont montré que le plurilinguisme qui met en scène la langue régionale ne peut être que réussi car elle est authentique, c’est celle des familles. L’alsacien est un atout de plus quand on sait que le cerveau d’un petit enfant en contact avec plusieurs langues va se développer de manière spécifique, quelles que soient ces langues. Il ne peut se résumer à être un tremplin vers l’allemand, il faudrait que les langues soient en complémentarité. À l’Olca, nous sommes dans une démarche d’ouverture à toutes les diversités linguistiques des familles, la société portant un peu le même regard sur la langue régionale que sur les langues et culture d’origine… »

Des moyens à renforcer

Déjà présente à l’Inspé (Institut du professorat et de l’éducation) pour de la formation continue d’allemand, l’association a de quoi proposer davantage de ressources en alsacien pour la mise en place d’activités pédagogiques dans les écoles et le développement d’un enseignement plus immersif. « On pourrait imaginer des documents dans une variante d’alsacien, mais qui n’empêcheraient pas d’en utiliser d’autres, à l’oral et à l’écrit, comme en Corse où cela fonctionne. Cette loi est passée, à nous d’apporter des réponses, quitte à révolutionner un peu le système ! Au lieu de former des profs à l’alsacien, on pourrait puiser dans le vivier des personnes dialectophones et les former à la transmission en classe, à l’animation dans les crèches. Avec des sorties botaniques ou au théâtre, cela permettrait aussi d’avoir des interactions plus variées… Mais aujourd’hui, nous sommes deux à intervenir, l’équipe devrait être renforcée. » Encore faudrait-il que les financeurs de l’association, la Collectivité européenne d’Alsace et la région Grand Est lui en confient la mission par convention.

En Alsace, de quelle langue régionale parle-t-on ?

La récente loi Molac sur les langues régionales a été saluée comme une avancée majeure, notamment parce qu’elle soutient l’enseignement immersif qui pourrait être développé dans les écoles. Mais en alsacien ou en allemand ?

La récente loi Molac sur les langues régionales a été saluée comme une avancée majeure par tous les promoteurs du bilinguisme ( notre édition du 9 avril ). D’autant, fait remarquer Yves Rudio, enseignant en allemand et membre du SE-Unsa 67, que la précédente loi Deixonne sur le sujet, il y a 70 ans, « n’a jamais concerné l’Alsace ». Quant à ce qu’il faut réellement en attendre, Pascale Erhart, sociolinguiste et directrice du département de dialectologie alsacienne et mosellane à l’Université de Strasbourg, est dubitative. « Le cadre national permet déjà un enseignement bilingue français-langue régionale. Le seul changement est la possibilité d’étendre le système immersif aux écoles publiques. »

De quoi conforter la pédagogie de l’association ABCM Zweisprachigkeit, un temps remise en cause par le rectorat en 2017 (lire ci-dessous), et lui assurer de toucher un « forfait scolaire » de la part des communes dont elle accueille les enfants. Dans l’attente des décrets d’application, Yves Rudio s’interroge aussi sur le fait que « pour certains députés alsaciens, l’immersion pourrait être seulement partielle »…

Langue allemande et variantes dialectales

Mais plus largement, poursuit Pascale Erhart, la question est de savoir de quelle langue régionale on parle. « Il y a une ambiguïté. Dans l’acception courante c’est l’alsacien, sauf qu’il n’apparaît dans aucun texte réglementaire et qu’il n’a jamais vraiment eu sa place à l’école. En Alsace, il y a une double hégémonie des langues standards, du français et de l’allemand. » Ainsi, selon la convention cadre 2015-2030, portant sur la politique régionale plurilingue, signée par l’État et les collectivités locales, par langue régionale « il faut entendre la langue allemande dans sa forme standard et dans ses variantes dialectales (alémanique et francique) ».

Une définition qui remonte aux circulaires du recteur d’académie Pierre Deyon en 1982 et 1985. « Lorsque le ministre Alain Savary a ouvert les écoles aux langues et cultures régionales, l’Alsace était la seule région à déjà proposer un enseignement de langue vivante en primaire. Le recteur Deyon en a profité pour faire entrer dans le cadre ce qui était exceptionnel », précise l’universitaire. « Il a eu le mérite de définir pour la première fois la langue régionale dans les textes officiels », retrace Yves Rudio. « Cela a permis de développer cet enseignement, mais en enterrant momentanément les dialectes, c’est le premier raté. Le deuxième, c’est qu’il n’a jamais été convaincu par l’enseignement immersif. »

L’alsacien, à l’oral ou à l’écrit ?

L’ancien inspecteur d’allemand Daniel Morgen ne l’a pas été davantage. « Il est important de préserver l’apprentissage de la lecture en français, tous les enfants n’ont pas d’aide à la maison », estime-t-il. Alors qu’il était responsable de la Mission académique des langues régionales auprès du recteur Jean-Paul de Gaudemar, il s’est, en revanche, consacré au développement de l’enseignement bilingue français-allemand à partir de 1992. Initié par ABCM un an plus tôt, alors que le principe existait déjà ailleurs en France, il concerne aujourd’hui près d’un écolier alsacien sur cinq.

Pour ce qui est de l’alsacien, « l’hypothèse de son enseignement dans les classes bilingues est évoquée dans les circulaires de 91-94 », souligne-t-il. « Peut-être n’avons-nous pas été assez volontaristes, mais le contexte était très houleux. Il y avait un mot d’ordre syndical contre le bilinguisme, nous étions minoritaires ». Les écoles qui avaient été sondées avaient majoritairement fait le choix de l’allemand, se souvient-il, « frappé de constater » que « les enseignants n’osaient pas se lancer en alsacien. On peut le comprendre, il n’y a pas de standard, c’est essentiellement de l’oral ».

« Ce complexe qu’on porte en nous »

Une question de fond qui se pose toujours. Ainsi Bénédicte Keck, chargée de mission à l’Olca (Office pour la langue et les cultures d’Alsace et de Moselle), est « persuadée qu’on peut écrire l’alsacien avec différentes variantes, du moment que c’est lisible et cohérent, les enfants s’adaptent ». Comme d’autres, elle en revient à « ce complexe qu’on porte en nous, l’alsacien n’ayant pas du tout été valorisé pendant des décennies ».

« On en arrive à une situation où les enfants apprennent l’allemand comme une langue étrangère, parce que le lien avec le dialecte n’a jamais été explicité à des fins pédagogiques. Et cela n’a pas contribué à sauver l’alsacien. Idéalement, il faudrait que les deux fonctionnent ensemble. » En cela, les promoteurs du bilinguisme s’accordent, « le cadre existe, il reste à en faire quelque chose », comme le résume Bénédicte Keck, tant du côté des collectivités locales que des enseignants, auxquels il faudrait proposer des outils pédagogiques et des formations.