Conseil municipal de Dannemarie: un budget sous tension… et 43 % de hausse d’impôt

Contraint par une « situation financière dégradée », le conseil municipal de Dannemarie a validé une hausse record de la taxe foncière, ce mercredi 7 avril, lors d’une séance budgétaire qui a encore réservé son lot d’échanges musclés entre majorité et opposition.

Par Vivian MILLET – 11 avr. 2021 à 05:07 | mis à jour à 10:16 – Temps de lecture : 6 min

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Le Mémorial de Haute-Alsace de Dannemarie, un projet hérité de l’ancienne mandature accusé d’avoir plombé les comptes et contraint la commune à une sévère hausse de sa taxe foncière…  Photo L’Alsace /Jean-Paul GIRARD

« C’est un budget de transition, un budget de retour à l’équilibre », résume sobrement le maire de Dannemarie, Alexandre Berbett. Un budget de rigueur, dira-t-on plus vulgairement. Et qui, au besoin, marque aussi la rupture consommée entre la nouvelle et l’ancienne équipe municipale. Avec toujours la même toile de fond : l’héritage financier laissé par les précédents et particulièrement le coût du nouveau Mémorial de Haute-Alsace , qui n’en finit décidément pas de faire couler l’encre avant même d’avoir ouvert ses portes…

« On a le mauvais rôle », lâchera Alexandre Berbett au cours d’une séance budgétaire encore tendue de bout en bout et émaillée d’échanges piquants avec ses collègues de l’ex-mandature, Paul Mumbach et Hugues Demichel. « Malheureusement, nous devons assumer les mauvaises décisions prises avant nous. » Façon pour le jeune maire d’enfoncer le clou et de pointer, une nouvelle fois et sans équivoque, la responsabilité de son prédécesseur dans l’état financier calamiteux dont il a hérité : une dette qui « culmine à 5, 8 millions d’euros », soit plus de 2 500 euros par habitant, un taux d’endettement à 274 %, une capacité d’autofinancement au ras des pâquerettes… et des contraintes budgétaires telles qu’elles conduisent à tirer fort sur le seul levier fiscal encore à portée de main : la taxe foncière.

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« On colle tout sur le Mémorial ! »

« La seule solution d’éviter la faillite »

Une hausse record de 43% pour le foncier (lire par ailleurs) : « C’est la seule solution pour la commune d’éviter la faillite », synthétise le conseiller municipal Kévin Bennato, qui a dressé un tableau bien peu reluisant des comptes de la Ville, déjà amputés au fil de ces dernières années par les baisses de dotations et autre suppression de la taxe d’habitation. « Voilà à quoi en est réduite la commune », soupire l’élu, qui met clairement « l’impact du Mémorial » en face de la hausse d’impôts. « 43 %, ça va faire mal », soufflera plus tard l’adjoint au maire, Nicolas Holleville, en se tournant vers Paul Mumbach : « On n’a pas le choix, on doit le faire, en partie suite à vos investissements peu judicieux. »

Dans le détail, le budget de cette année s’équilibre en fonctionnement à 2 571 174 euros et à 2 496 836 euros en investissements, les trois principaux chantiers inscrits étant l’achèvement du musée, « les travaux urgents » dans les écoles et la réhabilitation de l’ancien Trésor public en pôle médical. Face à la situation financière « dégradée », révélée par un audit, puis exposée lors d’une réunion publique, la nouvelle municipalité avait d’emblée annoncé la couleur : un indispensable « plan de redressement » mêlant serrage de ceinture et « effort » demandé aux Dannemariens.

 

« Nous ne sommes pas restés inactifs, nous avons cherché par tous les moyens à faire des économies », souligne Alexandre Berbett, qui met en avant 17 000 euros de baisse de charges, notamment à travers la renégociation de contrats et la traque aux dépenses superflues. La commune a aussi réalisé des économies sur ses charges de personnel, permettant de juguler les effets de la création de deux nouveaux postes pour le Mémorial (73 000 euros/an), encore lui.

« 43 %, ça va faire mal »

« Ce n’est pas agréable pour une équipe nouvellement élue de proposer une augmentation de cette sorte », reconnaît Alexandre Berbett, qui accuse ni plus ni moins son prédécesseur d’avoir privilégié le passé à l’avenir en faisant « un Mémorial à la place d’une école ». Et prévient que les efforts devront se poursuivre sur plusieurs années pour espérer « reconstituer un fond de roulement », « dégager des marges de manœuvre » et surtout relancer le projet de nouveau site scolaire (lire par ailleurs).

Tout comme le budget, la hausse de la fiscalité a été approuvée malgré les quatre abstentions des élus d’opposition (les deux absents ayant donné procuration). « J’étais sûr que vous n’auriez pas le courage politique d’assumer vos décisions », assènera Berbett à l’adresse de ses deux collègues élus. De quoi faire sortir de ses gonds l’ancien adjoint Hugues Demichel, qui s’est alors mis en tête de rafraîchir la mémoire au jeune maire : « C’est trop facile, tu as été adjoint pendant deux mandats et tu as voté beaucoup de décisions. La situation, tu y as aussi participé. » Sauf que, lui répondra Berbett, « ça faisait deux ans que je ne votais pas le budget. »

 

Projet d’école : « c’est 250 000 euros à la poubelle ! »

Autre projet et autre sujet de discorde entre majorité et opposition au conseil de Dannemarie, avec l’apparition au budget d’une subvention de 70 000 euros à rembourser de la part de la commune. En cause, le report de « plusieurs années » du chantier de la future école communale. Face à Alexandre Berbett, l’ancien maire Paul Mumbach et son collègue Hugues Demichel ont critiqué la décision d’annuler tout bonnement le permis de construire plutôt que de le reporter. « C’est 250 000 euros à la poubelle », tempêtent les élus d’opposition. « Pourquoi ne pas l’avoir reporté au lieu de l’annuler ? » Parce que la validité d’un permis est de trois ans et qu’il était « déraisonnable de penser que dans trois ans on pourrait relancer le projet », répond le maire, dont la construction d’un nouveau site scolaire unique figurait en tête des priorités avant de découvrir l’ampleur des difficultés financières de la commune. « Il faut arrêter, c’est de votre faute si on en est là », fulmine Alexandre Berbett, surprenant Paul Mumbach par son vouvoiement, avant de se reprendre : « C’est ta faute ! »

Vitriol et coup de sang

L’intervention était préparée. Et elle a été remarquée, mercredi, à l’issue du conseil municipal, quand est venue l’heure des questions du public. Une nouveauté de ce mandat et l’une des raisons pour lesquelles la séance était une nouvelle fois organisée à 16 h, couvre-feu oblige. Non sans avoir pris soin d’en préparer une copie pour la presse, Michel Paccellieri, opposant affiché à l’ancien maire, Paul Mumbach, s’est fendu d’une déclaration au vitriol sur le tout nouveau Mémorial de Haute-Alsace, contre lequel l’habitant avait déposé en 2019 une requête en annulation devant le tribunal administratif de Strasbourg. Objectif de cette sortie en public : demander aux élus que toutes les dépenses et recettes relatives au Mémorial soient clairement identifiées et identifiables par les administrés. Une requête à laquelle le maire a répondu par l’affirmative, d’autant que « c’était prévu ».

« Prétexte, diversion… et mégalomanie ! »

« À terme, j’ai l’intime conviction que les frais de fonctionnement et d’entretien de ce Mémorial vont aggraver encore plus la situation financière de notre commune », a expliqué Michel Paccellieri devant le conseil, rappelant tout le mal qu’il pense d’un projet qu’il considère non pas comme une simple « erreur », mais comme « une faute envers la population et particulièrement envers la jeunesse de Dannemarie ». Un projet qui, selon lui, « n’a pas d’âme historique, n’est pas l’aboutissement de faits historiques du lieu ou du secteur », poursuit l’habitant, qui va jusqu’à dénoncer « une diversion, un prétexte […] pour rémunérer des reliques » et même « assouvir une certaine forme de mégalomanie ». Des propos que l’ancien maire jugera « à la limite de la diffamation » après coup. « Qu’est-ce que vous avez fait pour Dannemarie, vous ? », s’est agacé Paul Mumbach sur le moment, face à Michel Paccellieri lui répondant en pointant sa place et celle du nouveau maire : « Voilà ce que j’ai fait, vous êtes là et pas là ! » Coup de sang de l’ancien maire, qui finira par lâcher au contribuable : « Vous, vous n’êtes rien dans tout ça. » Fermez le ban.

La taxe foncière grimpe à 34, 96 %

La jeune équipe municipale de Dannemarie a joué la carte didactique avant le vote du budget 2021, puis des nouveaux taux d’imposition, marqués donc par une hausse de 43 % de la taxe foncière (bâti), qui passe ainsi de 24, 45 % à 34, 96 %, pour un produit fiscal attendu de 1 009 295 euros.

Emboîtant les pas du maire, le conseiller municipal Kévin Bennato a dressé un bilan comptable qui se voulait parlant, avec la projection de deux tableaux présentant les soldes intermédiaires de gestion et la capacité d’autofinancement nette ; l’un avec, l’autre sans l’augmentation de 43 %. Bilan sans appel : seule une telle hausse d’impôts permet à la commune de retrouver une capacité comme une perspective de désendettement d’ici à 20 ans, « alors que la limite est fixée à 12 ans ».

« On est largement au-dessus des seuils de sécurité, le poids de notre dette est énorme. L’impact du Mémorial n’arrange rien », argumente Kévin Bennato, le ton grave. « Ce n’est pas ce qu’on voulait pour Dannemarie, ni majorité, ni opposition. Mais il faut se rendre à l’évidence : si on ne fait pas ça, la commune va faire banqueroute et ça sera la fin de la partie. »